Dans un arrêt du 25 octobre 2017, la Cour de cassation a dû se prononcer sur la validité du licenciement pour faute grave d’une salariée en raison de l’utilisation de sa carte professionnelle de télépéage pour des déplacements personnels et de celle de son ordinateur professionnel pour télécharger des fichiers personnels.
En l’espèce, les faits étaient presque caricaturaux car les téléchargements opérés par la salariée avait conduit l’administrateur à procéder à la restauration de l’ordinateur à trois reprises, et la carte de télépéage avait été utilisée par la salariée pour des déplacements personnels représentant 2100 kilomètres sur une période de 4 mois…
A priori, le seuil de tolérance habituellement admis quant à l’utilisation personnelle par le salarié du matériel professionnel mis à sa disposition semblait dépassé…
Saisie de ce dossier, la Cour de cassation, s’est gardée d’empiéter sur le pouvoir des juges du fond rappelant qu’il appartient à ces derniers d’apprécier tant le caractère réel que sérieux du licenciement, avec néanmoins pour conséquence de confirmer la position adoptée par la Cour d’appel de Douai ayant que « L’utilisation, parfois abusive de la carte de télépéage mise à la disposition de la salariée et le téléchargement sur l’ordinateur de fichiers personnels volumineux n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ».
En l’espèce, et aussi surprenant que cela puisse paraitre, alors même que la faute grave avait été écartée, la Cour d’appel est allée plus loin et n’a pas non plus retenu la cause réelle et sérieuse, en précisant que la sanction disciplinaire était disproportionnée.
A notre sens, cette décision est à relativiser : elle ne fait que rappeler que la barrière entre l’utilisation tolérée et l’utilisation abusive relève de l’appréciation des juges du fond. On peut très bien imaginer (et c’est fort probable) que, pour les mêmes faits, une autre Cour d’appel aurait été moins indulgente avec la salariée et aurait validé son licenciement pour faute grave.
Que faut-il en retenir ?
Pour la salariée, à notre sens, qu’elle a eu de la chance.
Pour les entreprises, que pour se prémunir contre ce type de comportement (ou, le cas échéant, pour aborder ce type de contentieux plus sereinement), il est indispensable d’inscrire dans son règlement intérieur et/ou dans une charte informatique qu’une utilisation personnelle abusive du matériel professionnel (qui pourra être décrite avec plus ou moins de précision) pourra conduire à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Laura BERTRAND, Avocate
Amélie ENGELDINGER, Avocate