Ces dernières années, la Cour de Cassation s’est prononcée, à plusieurs reprises, sur la liberté ou non pour l’employeur de consulter des fichiers contenus dans l’ordinateur professionnel de ses salariés mais intitulés « personnels », et jugeait de manière constante que l’employeur ne peut librement consulter ces fichiers qu’en présence du salarié concerné ou celui-ci dûment appelé sauf risque ou événement particulier.
En revanche, ceux qui n’ont pas été identifiés comme tels sont présumés avoir un caractère professionnel. (Soc, 17 mai 2005 n°03-40.017, Soc, 18 octobre 2006 n°04-48.025)
Mais, qu’en est-il lorsque les fichiers non identifiés comme « privés » ou « personnels » se trouvent sur un disque dur renommé « privé » ?
Dans cette affaire, l’employeur avait découvert 1.562 fichiers à caractère pornographique et de fausses attestations stockés sur l’ordinateur de travail du salarié, et, à titre de sanction, avait prononcé la radiation du salarié des cadres de l’entreprise.
Contestant cette sanction, le salarié arguait que l’intégralité des fichiers contenu sur le disque dur devait être considéré comme personnels dans le mesure où il avait renommé celui-ci « D:/ données personnelles ».
La Cour de Cassation, saisie de la question, avait écarté cet argument et posé le principe selon lequel la dénomination donnée au disque dur de l’ordinateur ne pouvait conférer à lui seul un caractère personnel à l’ensemble des éléments contenus dans celui-ci.
En conséquence, pour la Cour, l’employeur pouvait y avoir accès hors sa présence et sanctionner le salarié. (Soc, 4 juillet 2012, n°11-12.502)
Saisie à son tour de la question, la Cour Européenne des droits de l’homme a confirmé la position de la Cour de Cassation dans un arrêt du 22 février 2018 en jugeant que le salarié ne peut pas utiliser l’intégralité du disque dur mis à disposition dans l’exercice de ses fonctions, pour un usage privé.
Même si les fichiers ont été découverts en l’absence de l’intéressé, il n’apparait pas que le droit au respect de la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme invoqué par le requérant, ait été violé, dans la mesure où les fichiers n’avaient pas été identifiés comme « privés » comme le prévoyait la charte informatique de l’entreprise.
De telle sorte que l’employeur était parfaitement en droit de s’en servir à l’appui d’une mesure disciplinaire.
En résumé : Un fichier intitulé « privé » ou « personnel » ne pas pourra pas être ouvert par l’employeur en dehors de la présence du salarié et encore moins être invoqué à l’appui d’une sanction disciplinaire voire d’un licenciement.
En revanche, le principe ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de fichiers non identifiés comme tels contenus dans un disque dur intégralement nommé « dossiers personnels ».
Amélie ENGELDINGER
Avocate
Droit Social Paris – Bordeaux