L’avènement des réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn, et l’apparition des sites de notation des entreprises constituent incontestablement de nouveaux moyens de communication, certes, mais qui sont potentiellement dangereux pour le salarié.
En effet, même si la liberté d’expression est expressément reconnue aux salariés[1], il n’en demeure pas moins qu’elle connait des limites et notamment lorsque le salarié en abuse.
C’est ce qu’est venue rappeler la Cour de Cassation dans un arrêt du 11 avril 2018 (Cass. Soc.,11 avril 2018, n°16-18.590), validant un licenciement pour faute grave d’un salarié qui avait vertement critiqué son entreprise sur une plateforme en ligne de notation des entreprises.
En l’espèce, l’entreprise avait été informée par un client de la publication d’un article la concernant sur un site internet permettant de l’évaluer :
« Une agence de communication comme les autres… en apparence. Bien que perdue au fond d’une zone industrielle, sans commerce à proximité, les locaux sont agréables, le matériel correct, les équipes sympas. Rien à redire de ce côté-là ; les journées sont agréables. C’est en regardant sur le long terme que cela se gâte. La direction est drastique à tous points de vue. Salaire minimum, aucune prime, ni même d’heures sup payées (sauf celles du dimanche pour les téméraires !!!)… L’agence ne possède même pas de site Internet. Le comble pour une entreprise de ce secteur ! Le client est roi en toutes circonstances, peu importe qu’il faille travailler à perte, et votre travail sera parfois descendu devant le client. Rien n’incite à la motivation, si ce ne sont que les promesses jamais tenues. Mais ça ne fait qu’un temps. La direction ne s’en cache pas: « votre motivation c’est de garder votre boulot ». Pour preuve, le turn-over incessant : « un départ par mois en moyenne, pour un effectif moyen d’une vingtaine de personnes » »
Après avoir demandé le retrait de cet article, l’entreprise avait fait des investigations informatiques afin d’identifier l’ordinateur à l’origine du message[2] et avait ainsi découvert que le jour même du dépôt de l’avis litigieux, le directeur artistique de la société s’était connecté sur ce site.
Le salarié en question ayant reconnu être l’auteur de ce message en entretien préalable, il avait été licencié pour faute grave.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a retenu que tous les éléments (retenus classiquement en jurisprudence) étaient réunis pour qualifier la faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise :
– La teneur des propos excessifs, déloyaux et malveillants à l’égard de son employeur (Soc, 15 décembre 2009, n°07-44.264)
– La publicité apportée aux propos sur un site accessible à tous publics (Soc, 3 décembre 2014, n°13-20.501)
– La position hiérarchique du salarié (directeur artistique de la société)
Cette jurisprudence devrait conduire les salariés à davantage de vigilance sur les propos qu’ils tiennent à l’égard de leur entreprise sur les réseaux sociaux.
Amélie ENGELDINGER
Avocate
www.caravage-avocats.com – Droit Social Paris – Bordeaux
[1] Garantie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par l’article 11 de la Déclarations des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et article L. 1121-1 du Code du travail
[2]Pour rappel, l’employeur peut surveiller les activités sur internet de ses salariés dans le cadre professionnel (Soc, 9 juillet 2008, n°06-45.800).