Dans un arrêt du 3 mai 2018 (Cass. Soc., 3 mai 2018, n°16-26437), la Cour de cassation a purement et simplement modifié sa jurisprudence sur le point de départ de la prescription dans les dossiers de requalification des CDD en CDI.
En l’espèce, plusieurs CDD successifs avaient été signés avec un salarié entre juillet 2004 et janvier 2014.
Courant 2014, suite au non-renouvellement de son dernier contrat de travail, le salarié avait saisi les juges d’une demande de requalification en CDI de son 1er CDD, en se fondant sur l’absence d’indication du motif de recours au CDD.
Alors que l’affaire semblait « pliée », l’action du salarié a été jugée irrecevable par les juges alors même que le dernier CDD conclu venait d’arriver à son terme.
Décision quelque peu surprenante puisque, jusque-là, la jurisprudence jugeait, de manière constante, qu’en cas de CDD successifs, le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification était le terme du dernier CDD.
Revirement de jurisprudence donc. Quelles en sont les raisons ?
La Cour de cassation rappelle qu’à l’époque des faits, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivait par deux ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. (Article L. 1471-1 du Code du travail, dans sa version en vigueur avant le 23 septembre 2017.
Concernant le point de départ du délai de prescription, la Cour juge que, lorsque la demande de requalification est fondée sur l’absence d’une mention obligatoire, le délai court à compter de la conclusion du contrat litigieux, c’est-à-dire le moment où le salarié est censé en apprécier le contenu… même si dans les faits, c’est souvent lorsqu’il consulte un avocat (lors de la rupture ou du non-renouvellement de son contrat) qu’il découvre d’éventuels manquements…
Par une application stricte des dispositions de l’article L. 1471-1 du Code du travail, la Cour de cassation réduit donc les possibilités d’action en requalification des salariés, ce dont les employeurs peuvent se réjouir.
Néanmoins, cette jurisprudence ne vaut pour l’instant que pour l’action en requalification fondée sur l’absence d’une mention obligatoire, et non, par exemple, lorsque le recours à plusieurs CDD a pour objectif de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise. (Cass. soc., 8 novembre 2017, n°16-17499).
Laura BERTRAND
Amélie ENGELDINGER
Avocates
CARAVAGE AVOCATS – Droit Social – Paris – Bordeaux
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